Morlaix, de Penanault à la Manu : petits secrets patrimoniaux au fil de l’eau

Découvrez la cité du Viaduc autrement, à travers une balade historique au fil de l’eau… Le long de la rivière de Morlaix, ria née de la confluence du Jarlot et du Queffleuth, plongez dans la petite et la grande Histoire de trois sites emblématiques du paysage morlaisien : la Manufacture des Tabacs, la Maison Penanault et le port de Morlaix. Ici, vous seront révélés vingt et un secrets sur ce patrimoine incontournable de cette ville d’Art et d’Histoire rivée au creux de la Baie de Morlaix ! 

la Velodyssee, le port de Morlaix

La Manufacture

Cette grande dame de granit, édifiée sur la rive gauche du port de Morlaix, a abrité pendant plus de 250 ans toute une industrie liée au tabac. En 2004, la fermeture annoncée de la Manufacture des Tabacs est vécue comme un déchirement. C’est alors qu’un projet de reconversion voit le jour : la Manu deviendra un nouveau quartier de la ville à vocation culturelle avec l’ouverture de l’Espace des Sciences, du centre culturel SEW et du centre d’art contemporain Les Moyens du Bord

Petit secret n°1
Majestueuse : l’entrée de la Manufacture

Rien de tel qu’un fronton gréco-romain pour signifier l’autorité de l’État ! Des milliers d’ouvrières et d’ouvriers sont passés matin et soir par ce porche, parfois fouillés avant leur départ : le tabac, fortement taxé, rapporte beaucoup à l’État ; pas question d’échapper à l’impôt ! Tant qu’elle a traité le tabac, jusqu’au début du 21e siècle, la Manufacture de Morlaix est demeurée un lieu clos au grand public. Son porche vous est désormais grand ouvert.

 

Petit secret n°2
1870 : la Manu à toute vapeur

Le disque creux de ce fronton accueillait une horloge (disparue dans l’incendie de 1995) : c’est que l’on comptait son temps de travail, dans ce lieu de production ! Et 1870 ? Cette année là, une énorme chaudière est installée dans l’actuelle Cour des Artistes. Le bâtiment de l’horloge est modifié – sans toucher à ses lignes architecturales classiques – pour accueillir les nouvelles machines à râper le tabac, arrivées en train et actionnées par la vapeur. Le millésime commémore cette innovation majeure… visible à L’Espace des sciences de Morlaix !

 

Petit secret n°3
En trompe-l’œil : la Bretonne

Cette fresque monumentale, peinte en 2012 (et remaniée en 2022) sur un escalier de la Manufacture, au fond de la Cour des Artistes, s’est bien faite remarquer : l’escalier de Morlaix a été classé parmi les 17 plus beaux escaliers du monde !

L’auteur Zag, artiste de street art, a signé son œuvre. Un hommage à la population ouvrière essentiellement féminine de la Manu.

Petit secret n°4
Bien caché : un somptueux double escalier !

Pourquoi si grand ? Dès sa construction, en 1736, la Manufacture a été conçue pour assurer une production industrielle… donc accueillir une foule d’ouvriers ! Deux doubles escaliers desservent ainsi les étages du bâtiment de l’horloge. L’un d’eux accueillera les foules attendues à l’Espace des Sciences de Morlaix. Quels visionnaires, ces architectes du 18e siècle… 

Petit secret n°5
Béton, la charpente !

Au début du 20e siècle, la Manufacture des tabacs connaît une dernière salve de travaux pour créer un nouvel espace de stockage du tabac, protégé des risques d’incendie. La Manu, gérée par des ingénieurs intéressés par l’innovation scientifique, a toujours collé à l’air du temps : la Cathédrale, ainsi surnommée en raison de sa hauteur, de son volume intérieur et de sa charpente apparente en béton, est érigée en 1928-1929. Pour la visiter : poussez la porte de Morlaix Communauté ! 

La Maison Penanault

Au 10 place Charles de Gaulle, cet hôtel particulier du XVIe siècle illustre l’enrichissement de la ville de Morlaix à cette époque et participe à l’aménagement et à l’embellissement des quais du port.

 

Aujourd’hui, la Maison Penanault est devenue un lieu d’accueil incontournable de la région : elle abrite l’Office de tourisme et le Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine. 

Petit secret n°1
Zébré : le schiste de Morlaix

À quoi reconnaît-on le schiste de Morlaix ? À ses zébrures plissées, constituées de sombres couches d’argile et de claires couches de grès, plissées et métamorphosées en schiste bleu-vert par de fortes pressions tectoniques. Observez-le sur l’escalier de la cour intérieure qui mène aux jardins étagés de la Maison Penanault, creusé à même le flanc de la carrière d’où proviennent les pierres soigneusement taillées de ce splendide manoir urbain du 16e siècle. 

 

Petit secret n°2
Locales : les pierres de construction de la Maison Penanault

Pour construire, on creuse au plus près de sa future demeure : le schiste feuilleté et bleuté de la Maison Penanault provient d’une carrière visible dans la cour intérieure. Sa couleur contraste harmonieusement avec le granit rose de l’Île Grande, pierre dure, résistante, utilisée pour les chaînages d’angle et les encadrements des ouvertures aux décors Renaissance et celui de l’Île Callot, à grains plus gros, visible autour de sept fenêtres ajoutées entre 1736 et 1834 sur la façade.

Petit secret n°3
Rare et superbe : la charpente de la tour de guet

Une tour de guet, au 15e siècle, c’est bien pratique pour surveiller l’activité du port de Morlaix. Au 16e siècle, elle dessert les étages de la Maison Penanault. Couronnée d’une charpente « aux chevrons formant ferme » – qu’on ne retrouve en Bretagne que dans quelques manoirs – la pièce a également été utilisée comme oratoire ou comme chambre, selon les occupants de ce beau manoir urbain. Pour découvrir ce remarquable patrimoine, profitez des visites guidées organisées toute l’année

 

Petit secret n°4
Porteuses : les colonnes de la Maison Penanault

Ces belles colonnes de granit, mises à jour en 2010 lors de la restauration de la Maison Penanault, datent de la fin du 16e siècle. Elles supportent le bâtiment à pans de bois formant galerie qui abritait l’entrée des chevaux et servait probablement à stocker le bois. Selon un mode constructif fréquent aux 15e et 16e siècles, le rôle ostentatoire de la galerie était renforcé par un bâtiment symétrique de l’autre côté de la cour, où subsiste la base d’une autre colonne.

 

Petits secret n°5
Fleuris : les derniers habits de la Maison Penanault

Une dizaine de propriétaires ont successivement occupé la Maison Penanault, au fil de ses 400 ans d’existence, jusqu’à ce que Morlaix Communauté achète le manoir en 2009 pour en faire un point d’accueil touristique et culturel. L’ouvrier vient de déblayer des gravats par la fenêtre, dans un tube ; et cette charmante tapisserie va bientôt disparaître. Elle a laissé place au Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine (CIAP), dédié à la découverte du Pays d’Art et d’Histoire de Morlaix et ouvert gratuitement à tous. 

Petit secret n°6
Patrimonial : le chantier de la Maison Penanault

Combien de corps de métier pour rénover ce splendide manoir urbain du 16e siècle ? 21 ! Charpente, couverture, serrurerie, ferronnerie, menuiserie, plomberie, électricité, peinture… : le conservateur des Monuments Historiques a soigneusement supervisé l’intervention des artisans, compagnons et architectes spécialisés dans la restauration patrimoniale. Ici, deux maçons procèdent au jointoiement de la cour intérieure.

Petit secret n°7
Suspendus : les jardins de la Maison Penanault

Il vous faudra passer par le circuit des venelles pour bénéficier de ce point de vue unique sur les jardins étagés de la Maison Penanault, ou « combots » : les plus grands de Morlaix, manoir urbain oblige ! Ces 4400 m2 ont autrefois accueilli une basse-cour, avec volailles, porcs, lapins, potager, et des jardins d’agrément aux 18e et 19e siècles. Ils conservent sur la quatrième terrasse un verger de fruitiers, quelques vignes, et offrent de superbes panoramas sur la ville. Ils seront bientôt aménagés pour devenir accessibles au public. 

 

Le Port de Morlaix

Le port de Morlaix connaît une belle prospérité entre les XVe et XVIIIe siècles, grâce au commerce des toiles de lin et à l’activité corsaire. En 1855, c’est le premier port à bassin de la Bretagne Nord ! 

Aujourd’hui, c’est une étape appréciée par les plaisanciers, un port ancré en coeur de ville, bien abrité au fond de l’estuaire de la Baie de Morlaix. 

Petit secret n°1
Protecteur : l’oeil du port de Morlaix

Tous dans le même bateau ! Dans l’Antiquité, on peignait des yeux à l’avant des navires pour les protéger des dangers de la navigation. Pierre Chanteau, artiste de Carantec, a discrètement placé 113 yeux protecteurs tout au long du littoral finistérien, à la proue d’une Europe en état d’urgence sociétal et environnemental. Offert à chaque commune littorale ou insulaire du Finistère, chaque œil – mosaïque unique composée de matériaux de récupération – rend hommage aux valeurs transmises par les gens de mer et plus que jamais nécessaires : attention, audace, solidarité !

Petit secret n°2
Rouge sang : la fontaine des Anglais

Le 4 juillet 1522, une flotte anglaise attaque Morlaix. Pourquoi ce jour précis ? Parce que la plupart des notables et soldats de Morlaix sont alors partis pour quelques jours à une foire voisine. Les Anglais prennent la ville, incendient les maisons, se livrent au pillage… et fêtent un peu trop leur victoire ! Prévenus par ceux qui ont pu fuir, seigneurs et bourgeois se jettent sur les Anglais affaiblis par leurs agapes et les poursuivent jusqu’à ce que mort s’ensuive. La fontaine du port (cours Beaumont, face à la Manufacture) rougit du sang des envahisseurs ! On l’appelle depuis la fontaine des Anglais. Son habillage de pierre date de 1716. 

 

Petit secret n°3
Sous l’eau : les pavés du port de Morlaix

Le fond du port de Morlaix, ausculté en 2009, est intégralement pavé. Pavée également, la place aménagée en 1728 devant l’hôtel de ville, au-dessus de la confluence des deux rivières mises sous voûtes. En 1740, l’édification de la Manufacture des tabacs, sur un terrain marécageux en bord de rivière, amène la construction de quais supplémentaires. Le port devient bassin à flot en 1856, avec mur-barrage et écluses. Le viaduc est construit huit ans plus tard, tout en bord d’eau. Le bassin est recouvert une seconde fois par la place Cornic, et, en 1962, par la place Charles de Gaulle.

 

Petit secret n°4
Acharné : Cornic, corsaire de la baie de Morlaix

Perruque blanche au soleil, visage au nord, le buste de Cornic est tourné vers la baie bien-aimé du corsaire et vers son ennemi préféré : l’Anglais ! Né en 1731 à Morlaix d’un capitaine négociant et armateur, le petit Charles embarque à huit ans comme mousse sur les navires de son père pour de longues campagnes, jusqu’à Saint-Domingue et Terre-Neuve. S’ensuit une glorieuse carrière de corsaire, ponctuée de relevés cartographiques et de nombreux combats navals contre les Anglais. Cornic sert la Royauté puis la jeune République pour laquelle il prend parti. Il revient s’établir à Morlaix en 1773 où il meurt en 1809, après avoir œuvré à faire du port de Morlaix un port de refuge et un point de départ avantageux pour un raid en Angleterre, projet adressé en 1800 au Premier Consul. Un vrai corsaire ne lâche jamais ! 

 

Petit secret n°5
À flot depuis 1856 : le port de Morlaix 

Pourquoi aménager un bassin à flot, en 1850 ? Pour manœuvrer, charger et décharger plus facilement les bateaux du florissant port de commerce qu’est alors le port de Morlaix ! De plus, l’eau des deux rivières qui confluent en haut du port, retenue par un mur-barrage équipé de vannes et par une écluse, crée au passage un réservoir de chasse pour désenvaser un peu le chenal. Grâce aux écluses, le port de Morlaix, en cœur de ville, est aujourd’hui un port d’abri idéal pour les séjours longue durée des plaisanciers ! 

 

Petit secret n°6
Innovants : les caboteurs d’Édouard Corbière

En 1829, à 36 ans, Édouard Corbière cesse définitivement de naviguer, prend la rédaction du Journal du Havre et fonde une compagnie de bateaux à vapeur qui assurera jusqu’en 1921 le service du Havre à Morlaix avec succès : on atteint Paris beaucoup plus vite, en 22h de bateau et un peu de coche, au lieu de trois jours et demi de malle-poste ! Rudement concurrencée par le train, la « Compagnie des paquebots à vapeur du Finistère » disparait en 1921, faute d’avoir été remboursée par l’État pour la perte de son dernier caboteur, l’« Édouard Corbière », torpillé en 1917 en Méditerranée par un U-boat austro-hongrois. Détrônés par le train, les bateaux sont recyclés : le dernier finira comme transporteur de troupes pendant la guerre d’Algérie. L’un d’eux, « La Morlaisienne », chargé de transporter des huîtres de Morlaix au Portugal, jette sa cargaison au large… pour le plus grand bonheur de l’île d’Oléron !

Petit secret n°7
Père & fils : Édouard & Tristan Corbière

Ah, la mer… Elle inspire Édouard le marin, inventeur du roman maritime, journaliste, affréteur d’une compagnie maritime reliant Morlaix au Havre, et son fils Tristan, auteur morlaisien des « Amours Jaunes », déclaré avec Rimbaud et Mallarmé « poète maudit » par Verlaine qui les fréquentait tous trois. Père et fils, très liés, meurent la même année, en 1875. En 1912, Bourdelle fixe dans le bronze, sur un pan de roche du Cours Beaumont, leurs visages tournés vers le large. 

 

Petit secret n°8
Contre vents et marées : les écluses du port de Morlaix 

À quoi servent les écluses du port de Morlaix ? Tout d’abord à réguler la hauteur de l’eau dans le bassin, grâce aux vannes du mur-barrage : pas assez d’eau, les chaînes des pontons risquent la rupture ; trop d’eau, c’est l’inondation ! S’il pleut en amont des rivières, le niveau peut monter très vite… Et puis à permettre aux bateaux d’entrer et sortir du port de Morlaix, via le sas, qui peut contenir jusqu’à 35 voiliers les jours de course ! Environ 1400 bateaux passent les écluses chaque année. L’écluse est aussi le point de départ ou d’arrivée de belles balades nautiques à bord de l’Amzer’zo ou avec Les Vagabonds de la baie

 

Petit secret n°9
Chocolats et cafés sur le port de Morlaix

Si « Cargo 2 » a jeté l’ancre au port de Morlaix, c’est pour mieux s’approvisionner en cafés verts et cacaos venus des Caraïbes et d’Amérique du Sud ! L’entreprise ne se contente pas de fabriquer et commercialiser, sous la marque Grain de Sail, de délicieux cafés et chocolats (en vente au port à leur comptoir manufacturier, et en magasins) : elle travaille à la conception de bateaux à voile qui traversent l’Atlantique pour l’approvisionner en matières premières. Histoire de booster son bilan carbone et de réanimer la fonction commerciale originelle du port de Morlaix !

 

Situer les 3 sites

#1 Le port de Morlaix
#2 La Manufacture des Tabacs
#3 La Maison Penanault

 

Pensez aussi à télécharger notre brochure « Balades à Morlaix » ou le plan de la ville de Morlaix

Cette série, intitulée « Morlaix, de Penanault à la Manu. Au fil de l’eau, petits secrets patrimoniaux » a vu le jour grâce à une collaboration entre Morlaix Communauté et l’Office de tourisme communautaire de la Baie de Morlaix. À cette occasion, la rédaction des textes a été confiée à Annie Toussaint de « La Compagnie des Écritures » que l’on remercie vivement pour la qualité de son travail.  

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